Liliane Giraudon

« D’une lumière à une autre »

2014

Les autres points de vues

Je connais Hélène Mooren depuis de nombreuses années et je suis son travail avec intérêt. Mon écriture a même rencontré ses recherches sur la couleur en 1983 où elle et moi nous avons fait une performance au Théâtre National de Chaillot à Paris au cours de laquelle elle montrait ses « Etendoirs ».
Née au Brésil, après avoir vécu aux pays Bas, elle s’est installée en France, d’abord en Provence puis en Ile de France.
Ces déplacements biographiques m’ont toujours semblés inséparables de sa quête Couleur/Lumière comme de son inscription dans l’art contemporain.

Hélène Mooren peintre abstrait ?
Comme son ainée Etel Adnan, l’effet immatériel de la nature est au centre de ses préoccupations.
Dans ses toiles cataloguées abstraites s’agitent avec lenteur des paysages renversés (comme on renverse un verre sur une table et contemple l’immobilité frémissante d’un liquide qui ne peut plus être bu).
L’abstrait renvoie au plus concret de l’expérience visuelle.
Un vent traverse du ciel. Une soupe de nuages. Et sous ces ciels, dans un corps assigné à une identité sexuelle, la traversée du corps artiste où s’articule l’archaïque féminin…
Parlant de la peinture hollandaise, Claudel évoquait « une réalité en train de disparaître et partout déjà en mal de sa propre image… ». Cette formule me semble parfaitement adaptée aux déplacements d’Hélène Mooren qui, passant d’une lumière à une autre traque quelque chose de l’ordre de la disparition.

Conjointement à sa pratique « peinture » Hélène Mooren mène en parallèle et de manière invisible un travail avec la photo. Jusqu’à présent ces « prises » sur un réel fonctionnaient comme des dessous invisibles, un peu à la manière de l’eau et du miroir chez les hollandais, ou du mur (fresque) dans la peinture italienne. Découvrant ces « traces » je n’ai pu m’empêcher de songer à ces « prises » comme à une pratique consolatrice. La photo comme consolation. Mixée au geste plus ancien du peindre…

*Baudelaire, Œuvres complètes de Baudelaire, Le Spleen de Paris, Editions Michel Levy « La soupe et les nuages » .