Bertrand Kelle

« Hélène Mooren ou le chant de la couleur »

1999

Les autres points de vues

Hélène Mooren est d’origine Hollandaise, et il n’est pas malvenu de rechercher dans sa peinture une filiation avec d’illustres aînés du même pays. Son œuvre s’inscrit dans une tradition picturale abstraite, qui contrairement aux idées reçues, n’exclut pas le référent à la nature, mais prend sa source aux confins de celle-ci. On peut remonter à Mondrian qui ne parvint à cette abstraction géométrique austère qu’après un lent travail d’épuration des éléments naturels ou à Willem De Kooning ce fougueux hollandais-américain dont l’œuvre très « émotive » se ressourçait directement auprès de la nature humaine ou de la nature tout court.

Le travail d’Hélène Mooren est d’ailleurs très proche de celui des peintres de l’Ecole de New-York ; on y retrouve cet espace pictural ouvert non circonscrit par les bords du cadre, champ coloré illimité en écho à l’espace naturel , livré aux assauts du corps du peintre. Dans cette façon gestuelle qu’a Hélène Mooren d’aborder la toile avec la couleur, la nature est latente, tantôt exubérante, tantôt douce mélopée sinueuse.

Sensuelle, la couleur débarrassée des formes trop rationalisantes, se déverse en flots jetés, brossés voire « griffés » mais sereins, et dicte son lyrisme au tableau. La toile est avant tout une surface plane à couvrir de couleur(s) au rythme des émotions du peintre et donner corps à une profondeur intérieure. Ainsi par succession de gestes colorés, l’artiste construit son espace pictural, un espace intérieur et poétique. Champ coloré secoué de douces convulsions, d’où émergent parfois timidement des formes élémentaires comme des notes de musique égarées…